Europe
Bizarrement, nous appréhendions plus d’arriver en Europe que de repartir en Afrique. Comment réagirions-nous au mode de vie, aux prix, au climat, aux gens ? Nous nous souvenons de notre difficulté à revenir en Suisse en 2005 après un voyage de 5 semaines au Maroc. Comment cela se passerait-il après 3 ans, dans le monde entier ?
Choisir comme porte d’entrée le Sud de l’Espagne est une excellente idée. Le climat y est particulièrement clément, estival même. A peine posons-nous les pieds hors du bus qui nous conduit au camping dans lequel nous avons réservé un bungalow à Marbella, nous sommes emportés par la magie de la méditerranée. Les senteurs des pins nous enivrent, les chants des insectes nous bercent, les couleurs de la mer nous éblouissent. On aurait envie de dire que nous sommes chez nous, même si ce n’est pas tout à fait vrai. Retrouver ainsi des aspects familiers apporte tout à la fois un apaisement et une angoisse, celle de la fin du voyage qui approche. Pour les enfants, c’est différent. Sam s’extasie devant la beauté de la mer, Zoé découvre des paysages dont elle n’avait pratiquement aucun souvenir, pour eux, sans aucun doute, nous sommes en voyage. En sera-t-il de même de retour en Suisse ? C’est possible. Les images du monde nous ont offert tant de diversité, de surprises, de changements… Par les yeux des enfants, nous comprenons combien nous sommes devenus capables de nous émerveiller de tout et de nous adapter à ce qui nous est offert. Nos souvenirs sont entachés d’erreurs, créées tantôt par notre mémoire, tantôt par un progrès auquel nous n’avons pas assisté…
En Espagne, nous ne nous attendions pas à découvrir un parc automobile si luxueux par exemple. Les supermarchés sont encore plus léchés et fournis que nous l’imaginions. En revanche, les prix y sont incroyablement bas. 8 yogourts nature pour moins d’un franc suisse, une bûche de fromage de chèvre pour un euro cinquante. C’est moins du tiers de ce que nous aurions du payer outre atlantique pour ces marchandises… Le pain chez le boulanger est en revanche inabordable, tandis qu’au supermarché, on achète par kilos des pains aux céréales complètes. Le diesel est plus cher que partout dans le monde, comme on s’y attendait.
Une fois dans le camping, c’est le choc ! A mi-octobre, c’est pratiquement plein. Un coup d’œil sur les plaques nous permet de comprendre : GB – L – Fin – S – DK – D – Sco. Pas de doutes, il y a bel et bien des régions d’Europe qu’on préfère fuir à l’automne !! Les retraités du Nord coulent ici des jours paisibles et ensoleillés dans des maisons roulantes aux tailles improbables. Camping-cars de 10 à 12 mètres, 5ème roues aux flancs qui s’élargissent, salons en cuir, écrans plasma géants, petits jardins aménagés devant des caravanes couleur neige fraiche. Tout cela est irréaliste. Par curiosité, nous cherchons la valeur de ces engins sur internet : les premiers prix sont déjà bien au-delà des 100'000.- euros et rares sont ceux qui ne valent pas le double !! On se croirait dans une marina pour yachts en cale sèche !! En souriant, nous imaginons l’effet que produira notre baroudeuse de Casita en débarquant dans cet univers fastueux…
Une promenade sur la plage nous permet de profiter de nouvelles odeurs marines fort agréables et de découvrir une autre clientèle de la région : les nudistes, en particuliers des hommes de tous âges qui se passent probablement le mot comme cela se faisait déjà il y a 20 ans à Mykonos. Apparemment, la Grèce et l’Espagne ont plus de points en commun que leurs finances scabreuses… Comment imaginer d’ailleurs que l’argent manque par ici ? Aussitôt après le sable, passe l’autoroute, qui traverse par endroits des lotissements de villas. Derrière l’autoroute, on trouve les campings, les zones résidentielles et les golfs, une demi-dizaine sur 10 kilomètres !
Cependant, on ne peut pas dire que la région soit aussi saccagée que ne l’est la Costa Brava par exemple. Dès qu’on s’éloigne de la mer d’une dizaine de kilomètres, les paysages se font collines et montagnes, plantations d’oliviers et nature pure sur des milliers d’hectares. Une cinquantaine de kilomètres plus loin, nous découvrons Ronda et sa ville bâtie sur des falaises. Petites ruelles et ambiance pittoresque caractérisent cette bourgade de l’arrière-pays.
A Marbella, le marché offre une atmosphère authentique et quelques couleurs exotiques. Le détroit de Gibraltar est tout proche, l’Afrique s’invite sur les stands avec ses lots de breloques, de cuir et d’artisanat. La population locale est métissée, beaucoup plus qu’on ne peut le voir en Amérique du Sud par exemple. Musulmans blancs, beiges ou noirs côtoient des espagnols basanés et des immigrés du Nord aux cheveux blonds et à la peau rougie par un soleil inadapté à leur teint blafard.
En général dans la région, les gens sont accueillants et souriants, les commerçants sont sympas et serviables. Conformément à nos souvenirs, les espagnols savent s’amuser et prendre le temps de vivre ensemble. Souvent l’ambiance est bon enfant et joviale. Récemment quelqu’un nous avait demandé quel était le peuple le plus joyeux que nous ayons rencontré. Question originale, qui nous a un peu pris au dépourvu. En y réfléchissant, les indiens d’Inde savent rire et s’amuser simplement. Les espagnols aussi.