La Drôme, Clérieux : un Ailleurs Land
En quittant le Var, nous avons fait escale dans la Drôme, chez Sylvie et François et leur deux filles Bambou et Cannelle. Pourquoi ? Qui sont-ils ? L'histoire mérite quelques explications...
Sylvie et François sont partis exactement en même temps que nous pour un voyage similaire, en famille, en véhicule, destination le monde, durée trois ans. En janvier 2009, ils étaient au Mali, nous étions en Egypte. Eux comme nous entamions une descente de l'Afrique, chacun de notre côté... Pourtant, arrivés à Bamako, ils ont tout arrêté, fait demi-tour et sont rentrés. Que s'est-il passé ? Leur site ne le dit pas expressément, même si la déception et la désillusion sont clairement perceptibles. En lisant la mésaventure, Véro est bouleversée, elle rédige un mot de soutien. Elle imagine trop ce que peut représenter pareille décision à ce stade du voyage. C'est alors que naît une amitié épismailaire, Sylvie découvre notre aventure et la suit assidûment, nous invitant à profiter à fond de ce voyage qui ne restera qu'un rêve pour elle.
Elle nous commandera quatre bracelets du tour du monde, un de chaque continent et les portera aussi longtemps qu'ils tiendront à son poignet. Chez elle, en France, c'est la dépression qui remplit dans un premier temps le vide laissé par le voyage interrompu. François a repris son travail. On n'en sait pas plus, sinon que de se remettre d'une telle décision prend du temps, du courage et beaucoup d'amour. Car pour Sylvie, c'est d'un cuisant échec dont il s'agit. Après deux ans, ils achètent une fermette et quelques bêtes, ânes, chèvres, poules et chiens. Sylvie poursuit la rédaction de son site, un exutoire, un moyen de partager, de mettre en mots ce qui se passe dans son cœur. Sa plume est fluide et affûtée, les pages sont sincères, nous les lisons avec intérêt et émotion. Leur rendre visite sur le chemin du retour était une évidence.
Chez eux, nous découvrons un couple surprenant, deux êtres que tout semble séparer, s'il n'y avait l'amour évident qu'ils éprouvent l'un pour l'autre. Lui se décrit prudent, réfléchi, anxieux, voire psychorigide. Elle s'empresse de préciser qu'elle ne supporte pas le quotidien, ça l'effraie et l'ennuie, elle est créative, intuitive et enthousiaste. Ses créations de bijoux en tissu en sont la preuve, s'il en fallait une. Est-ce parce qu'ils sont si différents que ça n'a pas marché ? Certainement pas, tous les deux voulaient ce voyage.
Mais alors, que s'est-il passé ?
L'angoisse apparemment. Un truc de fou à devenir fou. François nous raconte avec beaucoup d'émotion et de sincérité comment il a perdu pied. Plus habitué à tout prévoir et maîtriser, le voyage l'a pris de court, déstabilisé. Sans cesse inquiet pour les enfants, il a fait de nombreux cauchemars et s'est crispé progressivement au fil des kilomètres. Il a tenu jusqu'à Bamako, même si depuis les premiers tours de roue, il sentait que le moteur de son Land tournait plus rond que son propre cœur. Au Mali, il n'a plus pu nier l'évidence. Ca devenait comme une question de vie ou de mort, il ne voyait aucune alternative.
Son témoignage est touchant et facile à comprendre pour nous qui avons fait demi-tour à la frontière mauritanienne quelques mois plus tôt. L'homme est encore pétri de culpabilité, bien qu'incapable de regretter. Peut-être le pire dans la situation, ne pas pouvoir regretter parce qu'il n'y avait rien d'autre à faire. Ce qu'il regrette en revanche, c'est d'avoir fait vivre ça à Sylvie...
Nous sommes heureux de les avoir rencontrés, très émus. Par chance, ils habitent sur le chemin qui mène au Sud depuis la Suisse, il est probable donc que nous nous arrêtions parfois chez eux, pour parler voyage, suivre l'évolution de leurs projets et partager nos expériences.
A quoi tient un voyage ? C'est la question qu'on se pose en les quittant.
Pour mieux les connaître : Ailleurs Land où vous trouverez aussi le livre de Sylvie tout juste sorti de presse : Bamako terminus, histoire d'un tour du monde « raté » .