En venant du Sud, passé Valence on change de pays, on quitte l’Espagne que nous aimons. Adieu Castillan, adieu les sourires andalous, adieu liberté de mouvement et de stationnement. Désormais, on parle Catalan, on marche en courant, les yeux rivés au sol et la police nous explique gentiment que la population du quartier est délicate, il vaudrait mieux que nous nous déplacions…
Sortie de l’Espagne
Après Bénidorm et ses légendaires tours dressées sur la plage comme les cheveux sur nos têtes en contemplant le désastre, nous avons poursuivi notre route sans nous attarder… jusqu’à ce que ce soient nos poils qui se hérissent d’horreur à leur tour en découvrant le visage ensanglanté de Sam un après-midi. En jouant, il a reçu un malencontreux coup de bambou dans l’œil. Par chance, les lunettes ont dévié le bâton qui s’est planté juste au-dessus de la pommette, épargnant l’œil que toute la famille imaginait déjà crevé... Une fois l’effroi passé et les contrôles effectués à l’hôpital, le bilan est rassurant : pas de fracture, mais un énorme hématome et un visage déformé pendant quelques jours, avec en prime une cicatrice souvenir sur le pli nasogénien.
Il y a quelque chose qui tonne dans nos cœurs depuis notre entrée en France, on a le sentiment de détonner. Alors on s’étonne. Ca permet de ne pas juger, de passer outre et de s’adapter comme on l’a fait tout au long du voyage. De retour en pays connu, nous abordons la vie comme en terre inconnue, parce que c’est pour nous le meilleur moyen de préserver notre équilibre.
Mars 2012 : France du Sud
 
Surprenant aussi de ne plus trouver personne dans les cabines des péages autoroutiers. Dans un pays où le chômage semble être devenu le plus grand employeur national au point de verser des primes aux sans emploi à Noël, ce sont des automates qui nous accueillent un peu partout. Les stations-services ne sont plus que des stations, la seule aide obtenue pour faire son plein étant une image montrée en boucle sur un écran LCD. Dans le pire des cas, une voix d’aéroport complète la scène : Bonjour. Merci d’avoir choisi Esso. Veuillez insérer votre carte dans l’emplacement prévu et sélectionner le montant désiré. Plus moyen de faire le plein simplement, il faut s’y prendre à deux fois pour obtenir plus de soixante euros de carburant.
 
Dans les supermarchés, comme chez Ikea, on est à la fois client et caissier. C’est génial direz-vous, on peut jouer au magasin dans les magasins, sans avoir besoin d’acheter la panoplie ad hoc pour l’offrir à son gamin. Faire ses courses devient un jeu d’enfant…
Par esprit rebelle autant que citoyen, nous choisissons systématiquement la caisse avec caissière et saluons l’employée avec un large sourire. Respecter les gens, c’est simple comme bonjour…
 
Face à tout cela, nous avons souvent l’impression de débarquer de la Lune ou de Mars. Est-ce bien le tour du monde que nous avons accompli ou avons-nous changé de planète sans nous en rendre compte ? Comme un Indien dans la ville, on est décalés, obsolètes et drôles comme les visiteurs… Est-ce là le sort d’un cœur humain en Europe ? Mieux vaut en rire en tous cas.
Gens du voyage
Avant de retrouver plusieurs amis voyageurs, nous avons voulu rencontrer les gens du voyage. Nous nous sommes donc installés un soir sur une aire prévue à leur intention.
A peine arrivés, on nous demande si nous nous sommes perdus… Puis, une fois clarifiées nos intentions, on nous accueille chaleureusement, nous invitant à choisir un site. Un homme dit à Thierry qu’il est chargé d’encaisser 10 euros pour la commune, tarif comprenant site, eau et électricité. Le prix peut être baissé à 5 euros si nous partons de bonne heure le lendemain matin… Une fois installé, Thierry s’en va donc vers l’individu pour payer son dû. Il est intercepté en chemin par un autre résident : « On paie pas, c’est gratuit. Demain, le gars de la commune vient, tu prends une carte pour l’eau et l’électricité. Ca fait environ 3 euros par jour… » C’est bon à savoir. Nous repartirons finalement le lendemain sans avoir vu personne et sans rien consommer.
L’aire est bien aménagée. Chaque famille dispose d’un site avec salle de bain et électricité, plus un carré de gazon ou de gravier C’est propre et pratique, même si très bétonné. Une femme confie à Véro qu’elle apprécie ce type d’infrastructure propre, entretenue et réglementée, gage de tranquilité et de sécurité quand elle rentre de sa journée de travail.
Véro est très à l’aise dans ce milieu. Elle discute ensuite avec les jeunes et les interroge sur la scolarité. Un bus passe chaque matin pour conduire les enfants à l’école. Le lendemain, cinq d’entre eux y grimperont, les vingt autres resteront à gambader autour des caravanes.
Le franc-parler des gens du voyage séduit Véro. Loane est plus désarçonnée quand une fille de son âge la questionne : « T’as déjà eu tes règles toi ? Et ton père, il le sait ? Parce que moi s’il l’apprend, je dois dormir dehors ! » Surprenant de découvrir ici des coutumes similaires à celles du Népal et d’autres terres lointaines…
Max, Loane, Sam et Zoé auront un peu de peine à trouver leurs marques dans cet environnement. Traités de « gadjés », ils cherchent à en comprendre le sens sans réussir à obtenir d’explication : « Si tu sais pas ce que c’est, alors t’en est un ! ». Certes, l’argument tient la route, mais il est un peu court. Sont en fait appelés «gadjés » ceux qui n’appartiennent pas à la famille des gens du voyage, comme les « goy » sont les non-juifs.
Finalement, Loane sort ses perles et confectionne des bijoux avec d’autres jeunes filles. Lorsqu’un garçon tente d’en voler quelques-unes, Loane s’impose et les récupère sans peine. Plus tard, elle en prête aux filles qui les lui rendront la nuit tombée.
Le lendemain, tandis que nous nous arrêtons sur une aire d'autoroute, plusieurs voitures et caravanes nous klaxonnent en passant. Ce sont nos voisins de la veille ! Nous avons désormais de nouveaux amis sur les routes...
 
Tournée des voyageurs
Sur le chemin qui nous conduit là où nous avons démarré ce périple, nous avons décidé de retrouver quelques-uns des voyageurs que nous avions rencontrés sur les routes du monde. Revoir ceux qui ont vécu une aventure similaire et qui sont déjà rentrés nous est nécessaire comme des palliers de décompression après une longue plongée en eaux profondes. Nous trouvons chez eux des conseils, une expérience, une écoute et des idées qui nous inspirent et nous aident à nous situer. Cela nous fait du bien, même s’il y a chez quelques-uns de nos hôtes des bulles qui passent dans nos poumons et qui atteignent nos cœurs.
Chez les Ayabombe installés provisoirement dans les Pyrénées, les retrouvailles sont enjouées. Nous les avions rencontrés lors de leur départ, un an avant le nôtre. Nous nous étions promis de nous revoir, c’est chose faite. On se raconte tout, on se prend dans les bras, on se soutient et s’encourage mutuellement.
Dans le Var, nous retrouvons d’abord Denis et Timothée, les deux hommes de la Tortue Sélène. Souvenez-vous, notre rencontre date des Emirats-arabes. Nous découvrons le petit paradis de Denis au sommet de sa colline, une maison cernée de plusieurs hectares de forêt dans laquelle gambandent une quinzaine de chèvres. Au cours de notre visite, Denis reçoit une nouvelle chèvre et deux chevraux, ainsi qu’un bouc, qu’il castrera d’un coup de pince bien placé, avec l’aide de Max, Jacques et Thierry médusés.
Nos quatre enfants retrouvent Timothée et font la connaissance des enfants des voisins Jacques et Mayotte, puis Andreas. La rencontre est magique. Le groupe s’entend à merveille, alternant jeux et discussions, sauts dans la piscine à 11 degrés et parties de loup garrou endiablées. L’émotion est intense au moment de quitter les nouveaux amis, des non voyageurs avec lesquels le contact passe vite et en profondeur, de quoi rassurer tout le monde.
Sur la colline des sélènes, nous retrouvons Elisabeth, descendue spécialement de Lyon pour nous voir avant de repartir pour l’Australie… Un vrai bonheur de la voir là de manière imprévue. Spontanée, heureuse, épanouie, elle partage avec nous ses projets, nous expose les plans de sa future maison et nous emplit de courage pour la suite du parcours. Ses mots doux et chaleureux, son optimisme sans borne, sa bienveillance et sa clairvoyance sont autant de ressources dont nous sommes avides et qui se nichent dans nos cœurs réjouis. Quand nous la reverrons, ce sera probablement chez elle, alors le grand voyage aura aussi pris fin pour elle…
Denis nous a fait une autre surprise en invitant les Poos, une famille que nous aurions pu rencontrer au Laos. Nous rions avec eux en imaginant que nous nous sommes croisés sans nous voir sur le pont international entre le Laos et la Thailande. Eux sont bien rentrés, ont repris un emploi et une maison, en attendant l’heure où ils repartiront, explorer plus calmement ce qu’ils n’ont parfois que survolé.
Quelques jours plus tard, nous rencontrons Mélanie, Tibo et leurs enfants Erys, Lila et Bélem. Les deux parents ont souvent voyagé, seuls ou en couple. Récemment, ils ont visité la Thailande avec les enfants. Ils sont porteurs du virus du voyage, même si la maladie ne s’est pas déclarée. Mélanie a lu régulièrment notre site et nos récits. Quand elle a vu que nous remontions vers la Suisse, elle nous a contactés et suggéré de leur rendre visite dans le Var. C’est ce genre de surprise qu’on aime dans notre vie actuelle. Nous passons deux jours chez eux, dans un univers nouveau, fortement artistique et engagé localement. Les projets musicaux de Tibo nous intéressent, autant que ses activités dans les écoles et les hôpitaux. Discuter avec le couple nous donne des idées, encore des idées…
Eux aussi construisent une maison. Nous visitons le chantier. Nous sommes étonnés de constater à quel point nous n’avons pas envie de murs. Nous l’avions déjà remarqué en nous penchant sur les plans d’Elisabeth. Même face au concret, notre décision de vivre dans Casita reste une évidence. C’est bon d’avoir quelques éléments solides sur lesquels fonder le reste de nos réflexions.
Chez Nanou, nous revoyons Timothée et Océane sa sœur aînée et grande amie de Loane. Les deux filles se retrouvent avec émotion et plaisir. Nous passerons de bons moments tantôt en compagnie de Jennifer la sœur de Nanou et de son ami Aron, tantôt avec Stéphanie son amie d’enfance, par exemple au bord d’une rivière dans laquelle tout le monde ou presque se baignera. Comme avec Denis, nous mettons à disposition de Nanou notre écoute et notre cœur avec le désir ferme de ne pas prendre parti et d’offrir notre affection. Nous partons de là le cœur un peu lourd et nos pensées tournées vers eux quatre.
A suivre
Nous poursuivons notre tour de France à la rencontre de ceux que nous avons hâte de revoir avant de découvrir le dernier pays de ce voyage…
Le Var
Nous avons toujours aimé le Var. De retour d’un tour du monde, nous nous demandions comment nous réagirions en y revenant. En nous rendant sur notre lieu fétiche, un bien immobilier en vente depuis dix ans auquel nous nous étions intéressés à l’époque, nous découvrons que l’objet est toujours invendu et qu’il ne nous intéresse plus du tout. La vue depuis le site reste cependant l’une des trois plus belles vues que nous ayons vu au monde ! Nous bivouaquons trois jours sur place, en profitant du calme des environs et des énergies porteuses que nous y ressentons.
C’est là qu’un soir, en famille, nous avons donné naissance à un nouveau projet…
Les enfants s’entendent aussi bien sinon mieux encore qu’au premier jour. Le plus souvent à l'extérieur, ils jouent à cache-cache, visitent les alentours tout en imitant les adultes et se racontant leurs meilleures anecdotes de voyage.
Les repas sont variés et animés. Stéphanie et Jean-No nous font goûter quelques friandises iraniennes, un autre moyen pour nous de visiter ce pays dans lequel nous n'avons pas voyagé. Les enfants s'organisent pour la vaisselle. Pendant deux jours, tout s'en va dans tous les sens, un pur bonheur dont la purée sur le gâteau est une partie de loup-garrou à 11.
Tout cette effervescence ne suffira pas à nous faire aimer la montagne et c’est bien ainsi… Ce qui compte, c’est les amis et la nouvelle promesse de se revoir dans peu de temps. Dans très peu de temps, nous espérons.
Et puisque nous comprenons tout, nous sommes aussi compris. Dorénavant, nous devrons surveiller nos propos, baisser la voix. Pas question non plus de feindre l’ignorance, les panneaux sont explicites et limpides. Encore que… Nous éclatons de rire plusieurs fois en lisant machinalement en espagnol certaines indications écrites en français. C’est ainsi qu’il nous a fallu quelques jours pour résoudre l’énigme du panneau aire de ventes.
A propos de panneaux, Thierry souffre de claustrophobie depuis qu’il roule en France. Tout ce qui n’est pas obligatoire est interdit. Les signalisations routières se multiplient inutilement, apportant confusion et tension pour le conducteur. Dans un carrefour en T, l’interdiction de tourner à droite ne suffit plus, il faut un second panneau pour obliger de virer à droite. Devant un passage piéton, le simple triangle avertissant l’automobiliste du passage clouté est devenu obsolète. Aujourd’hui, ce sont trois triangles qui se superposent, signalant le risque de croiser des piétons, des enfants et des vélos. Ce qui est bien, c’est qu’on peut encore écraser les poussettes et les chiens en prétendant ne pas avoir été averti de leur présence !!
Nous sommes étonnés de voir comment le modèle juridique anglo-saxon tisse sa trame dans les esprits d’Europe, comment tout doit être explicitement mentionné pour se protéger de probables actions en justice… Dans les contrées surdéveloppées, la vie ne suffit plus à expliquer ce qui se passe, il faut un responsable, un coupable pour appaiser les âmes sensibles. Du coup, les bons vieux principes de la bonne foi et du bon sens semblent avoir disparu. Etonnant.
Entrée en France
Dernier pays, dernière frontière avant celle qui nous conduira au point de départ… Un haut le cœur nous renverse. Adieu langues étrangères. Désormais, nous comprenons tout ce qui se dit, malgré nous. Sans cesse des bribes de conversation pénètrent nos esprits et atteignent nos cœurs. Il y a quelque chose d’indécent dans la situation. Nous réalisons que depuis quatre ans, nous avions l’habitude d’entendre les gens parler comme on écoute de la musique, nous pouvions comprendre les paroles en nous concentrant, mais sans efforts de notre part, le contenu des conversations nous laissait indifférents. A partir de maintenant, les peurs des passants, les plaintes des voisins, les moqueries des badauds et les confidences entre amoureux nous font nous retourner. Pas moyen d’aller pisser sans entendre la radio et ses ondes alarmistes avertir l’automobiliste d’un bouchon à 15 km ou d’un camion stationné sur le bas-côté de la route. Nous sommes étonnés. Nous avions pris l’habitude de découvrir tout cela en direct sans nous inquiéter.
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