Baloo est stationné dans le jardin de l’hôpital, en plein centre de l’établissement. Tout autour du gazon et dans les couloirs, des gens dorment à même le sol la nuit venue. Ce sont les proches des patients, venus les soutenir et les nourrir. C’est aux familles qu’il incombe de préparer les repas des malades. Pas question ici de laisser une personne seule sur son lit d’hôpital. Toute la famille est là, dans la chambre, le couloir ou le jardin. L’hôpital ressemble à un camping ou un festival. Par moments, nous parvenons à prendre le recul nécessaire pour apprécier la scène et nous laisser émouvoir par la solidarité qui transpire de chacun. Des dizaines de personnes prient et chantent ensemble, les malades s’agenouillent et joignent les mains. Se recueillir, prier. Se soutenir mutuellement et croire. Parce qu’il n’y a rien d’autre à faire que croire. Se fier à la vie ou à Dieu et lui confier son voisin, son parent, son ami. Les sourires des gens et les prières qu’on entend réciter à notre intention nous bouleversent. Il y a dans cet hôpital une seule et grande famille, réunie pour soigner certains de ses membres. Malgré nos craintes devant l’état de Loane qui s’aggrave, nous profitons de cette épreuve pour vivre pleinement l’expérience de la solidarité et de la confiance. Comme les autres, nous n’avons guère d’autres ressources à disposition que les bonnes pensées.
Loane va mal. Depuis 7 jours, elle n’a rien mangé et si peu bu. Internet et la télévision lancent des alertes : une épidémie d’Ebola frappe les pays voisins. Le virus est extrêmement contagieux. Une mort suspecte au Ghana est rapportée. La victime venait de Kumasi. Il y a 10 jours, nous étions à Kumasi… L’angoisse saisit Thierry et Véro. Pas le temps, pas le moment de craquer. On entoure Loane. On prie. La chirurgienne allemande qui nous soutient moralement nous avoue avoir pensé à Ebola, avant de conclure que si tel devait être le cas, Loane saignerait ou serait déjà morte. C’est dur, mais ça rassure. Jusqu’à ce que Loane gonfle et devienne jaune. Nouvelle vague de panique. On sait que c’est grave, mais personne ne nous donne de réponse. Les médecins expliquent que le paludisme peut provoquer une insuffisance passagère du foie. Loane est sans force, ses idées divaguent. Internet nous renseigne : quand le paludisme affaiblit le système, le paracétamol peut se révéler extrêmement dangereux. Avec plus d’une semaine de jeûne et les effets de la malaria, l’organisme supporte moins le médicament. C’est alors l’hépatite médicamenteuse qui peut être fulminante. Nouveau vertige. Nouvelle nuit blanche.
Au téléphone, le médecin de famille de Véro en Suisse est très clair : s’il s’agissait d’une hépatite fulminante, Loane serait morte. Déjà entendu ça y a pas longtemps…
Impuissants, nous décidons de sortir Loane de l’hôpital et de rejoindre Accra pour y faire de nouvelles analyses. Les examens confirmeront plus tard une hépatite A. Le traitement consiste à se reposer et se nourrir, en évitant de surcharger le foie. Loane est une jeune fille extraordinaire elle a cumulé une fièvre thyphoïde, une malaria et une hépatite A. Elle s'est battue et n'a même pas perdu le sourire et son sens de l'humour. Nous t'aimons Loane.
Loane est sortie d’affaire. Nous aussi. Il reste les souvenirs, les émotions. Et le sens qui peu à peu nous apparaît. Dans les moments intenses on se découvre des ressources qu’on ignorait. Elle s’appelle confiance ou foi, selon qui s’exprime. Merci Mère Afrique de nous l’avoir donnée.
A l'heure qu'il est Max et Sam sont en pleine forme. Loane récupère bien, ses dernières analyses de foie sont bonnes presque toutes les valeurs sont revenues à la normales. Zoé de son côté est fière et grandie. Elle a assumé seule l'intendance à Baloo, préparant les repas et mettant de l'ordre pendant que nous prenions soins des malades... Merci Zoé. On ne vous le dira jamais assez: on vous aime les enfants.