Le Portugal : en résumé
Outre les éléments décrits dans les lignes qui précèdent, voici quelques observations faites au cours du voyage. Les Portugais possèdent et entretiennent volontiers un jardin potager, sinon devant leur maison en campagne, dans les jardins collectifs ; c’est là probablement un moyen de faire face aux prix élevés des légumes au marché. Concernant les produits végétariens et bio, les magasins ont systématiquement un ou deux rayons dédiés à ce genre de nourriture. Drôle de contraste quand on constate combien la morue séchée est omniprésente, parfumant indélicatement les supermarchés, rues et recoins de tous le pays. A propos de la morue, c’est étonnant pour nous de constater qu’un pays européen recourt à ce mode de conservation des aliments. Nous avions l’habitude de cela en Asie et moins dans nos contrées.
La langue nous est restée inaccessible, malgré notre envie de nous y atteler. Il faut dire que bon nombre de Portugais parlent français avec aisance et plaisir…
Le vin est très apprécié et consommé avec autant de fréquence et quantité qu’en France ou en Suisse. C’est un produit phare du pays, bien au-delà du vin de Porto.
L’organisation du pays semble centralisée sur les deux ou trois grandes villes. Le reste du pays est très peu développé, donc très préservé et authentique, ce qui nous a beaucoup séduits. Cela dit, les villages ne sont pas très attrayants. Dépourvues de charmes, les demeures privilégient le fonctionnel à l’esthétisme. Souvent cubiques, les maisons sont peu originales et rarement décorées, sinon parfois d’une bordure bleue autour des portes et fenêtres.
La nature et les paysages sont en revanche d’une grande variété. Il suffit souvent d’une dizaine de kilomètres pour changer totalement d’environnement. Par endroits, l’herbe verte se répand sur des centaines d’hectares, tandis qu’ailleurs les chênes liège recouvrent plateaux et collines à perte de vue. Nous avons d’ailleurs été surpris de découvrir divers artisanats à base de liège. Outre son utilisation primaire pour les bouchons et les récipients, le liège est utilisé comme un cuir et sert à confectionner des ceintures, des porte-monnaie, des calepins, des chaussures, casquettes ou bérets et même des parapluies. Imperméable et malléable, le matériau offre les mêmes caractéristiques que le cuir, avec l’avantage d’être renouvelable et végétal.
Il y a au Portugal une grande quantité de cigognes, que l’on observe aisément. En constatant combien la jeunesse est absente des villages, on se dit que les cigognes du Portugal emportent les enfants loin d’ici, ailleurs en Europe. Là-bas on construit, on vend, on achète, on consomme, on s’amuse. Ici, on récolte, on laboure, on confectionne, on contemple, on puise dans la terre l’énergie et l’émotion d’être en vie. Le rythme semble plus lent, l’activité plus laborieuse, les regards moins enjoués. On sent chez ceux qu’on croise, l’intensité d’une vie intérieure qui ne se partage que dans l’intimité. Or, l’intimité justement reste intime. Elle ne s’étale pas, ne s’achète pas. Elle se gagne probablement avec le temps et la patience nécessaire à la construction de la relation, l’établissement de la confiance.
Le Portugal ne s’appréhende pas en quelques minutes. Secret et introverti, il exige du visiteur la patience et l’attention que méritent ses traditions. En arrivant d’Espagne, pays qui nous frappe par sa joie de vivre et son dynamisme, nous avons eu ici l’impression d’un pays mort, d’une nation désertée, abandonnée par une jeunesse qui laisse les vieux seuls sur la terre des ancêtres. On croise peu de gens. Hors des grandes villes, les commerces sont rares, épars et modestes. En bordure de village on découvre quelques ruines, dont certaines habitées.
Et puis, avec le temps, on comprend. Le Portugal n’est ni lent ni mort. Tout au plus est-il en jachère. Ce pays nous touche plus que nous l’imaginions. Il y règne une profonde humilité et une gentillesse sincère. Les gens sont modestes et travailleurs. Sobre et sérieux, le Portugal bouleverse celui qui tend l’oreille et sait entendre les émotions qui vibrent en silence dans le cœur de chacun. Ici, la terre et les hommes sont émouvants. Moins exubérant que sa voisine hispanique, le Portugal nous inspire et nous trouble cependant. Ce pays a l’âme d’un poète.